Petits Secrets de Dirigeants – Arnaud Pemzec, Président de Komet France
Après trois années de crise du covid, nous avons aujourd’hui le recul nécessaire sur la façon dont les entreprises ont appréhendé ces bouleversements. Dans notre rubrique « 𝙋𝙚𝙩𝙞𝙩𝙨 𝙨𝙚𝙘𝙧𝙚𝙩𝙨 𝙙𝙚 𝙙𝙞𝙧𝙞𝙜𝙚𝙖𝙣𝙩𝙨 » nous recueillons le témoignage de différents dirigeants afin d’avoir leur retour d’expérience sur cette crise traversée.
Nous avons interviewé Arnaud Pemzec, Président de Komet France.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Bonjour à toutes et à tous, je m’appelle Arnaud Pemzec. Je suis le PDG de la société Komet France.
Komet France c’est la société qui importe et distribue pour toute la France l’ensemble de la gamme du fabricant allemand Komet.
Nous sommes leader mondial en instrumentation rotative dentaire et en instrumentation médicale.
Quel regard portez-vous sur ces trois années de crise et quels sont les changements les plus importants que vous avez dû entreprendre ?
Notre entreprise comporte 120 collaborateurs : 60 qui sont en permanence sur le terrain au contact des clients, et 60 qui se retrouvent quotidiennement sur le lieu de travail qui est au siège à Paris dans le 17e.
Bien sûr, nous avons cessé toute activité pendant 2 mois avant de reprendre au moment de la réouverture des cabinets dentaires – et l’activité est assez vite repartie.
Ceci dit, le télétravail a bien fonctionné. On avait déjà une organisation en télétravail partiel avant le covid. On a pu l’intensifier après pour aujourd’hui trouver un point d’équilibre.
Parce qu’on constate que les collaborateurs ont très envie de venir et de se retrouver.
Ce qui a changé, c’est qu’aujourd’hui on a plus envie de venir à l’entreprise pour être tout seul toute une journée complète derrière un écran d’ordinateur, c’est quelque chose que l’on peut très bien faire à la maison.
Quand on vient à l’entreprise, c’est pour partager, beaucoup échanger et beaucoup parler.
Ça nous a amené à repenser complètement la configuration des locaux.
On a mis en place chez Komet un projet qui vient de s’achever, de restructuration de nos espaces. On a redispatché les équipes et on a fait des espaces où les collaborateurs sont regroupés par service et là les échanges sont plus faciles.
En plus, on a mis un point d’honneur à faire un accueil qui soit vraiment esthétique et chaleureux.
Quelle est votre plus grande satisfaction dans la conduite de votre entreprise ?
Je pense que le télétravail notamment amène quelque chose d’essentiel parce que si la confiance n’existe pas, on ne peut pas travailler comme cela.
Je pense que chacun est conscient de sa mission et de ses tâches et a à cœur de les exécuter.
Il faut que le manager fasse confiance. Ça n’a aucun sens de laisser un collaborateur travailler chez lui si c’est pour le contrôler et le fliquer.
Ce télétravail, cette auto-organisation fait pleinement partie des enjeux du télétravail. C’est de faire confiance à une personne pour réaliser une tâche dans un délai défini mais à un rythme qu’il va pouvoir choisir.
Donc ce gain en autonomie et en confiance il est perceptible et j’en suis tout à fait satisfait.
Quelles évolutions du corps social avez-vous pu constater ?
Ce que j’ai observé, ce que nous vivons, ce sont des aspirations de vie des collaborateurs qui sont issus de l’expérience covid et qui nous amènent à évoluer dans notre organisation.
Je pense à la façon de vivre peut-être de façon éloignée de Paris.
Nous on a fait le choix de rester dans Paris intra-muros parce que nos collaborateurs viennent de toute l’Île de France, il y a une minorité qui vit dans Paris intra-muros.
Les moyens de transport et le temps de transport sont des choses importantes.
Il y en a qui ont fait le choix de s’éloigner de Paris ou même de partir en province : ça ce sont des phénomènes que l’on a observés post-covid.
Donc c’est plus des aspirations et des évolutions individuelles que l’on observe, que vis-à-vis de l’entreprise.
Très honnêtement, je ne vois pas un changement très sensible d’attitude ou de comportement entre l’avant et l’après covid.
Quels sont aujourd’hui les plus grands défis à relever en tant que dirigeant ?
La crise covid a amené beaucoup de personnes à se poser des questions sur leurs choix de vie et leurs priorités.
Aujourd’hui le travail, si c’est un élément indispensable et constitutif de la vie, il n’est parfois, ou même souvent, pas la priorité.
Le chemin de vie que se fixe un collaborateur à titre privé, il va l’accompagner par des choix professionnels. Et aujourd’hui, il va de ce fait pouvoir changer d’entreprise ou changer de métier un peu à sa convenance. En tout cas, il fera moins de sacrifices peut-être sur sa carrière.
On a un phénomène de turnover qui a plutôt tendance à s’accélérer avec des difficultés accrues de recrutement, mais je dirais qu’il faut s’y habituer car c’est dans l’ère du temps.
Donc c’est à nous de savoir être attractif, de savoir fidéliser les collaborateurs – le cadre de travail y est pour beaucoup.
Il faut savoir accompagner aussi, proposer des opportunités de mobilité internes aux collaborateurs, c’est très important aujourd’hui.
Ça nous oblige aussi à avoir de l’agilité et de la mobilité, ce qui n’est pas une mauvaise chose.
Quelles sont les plus grandes difficultés auxquelles vous devez faire face ?
Il y a des tendances sociétales importantes et peut être que le covid les a révélées ou accélérées. Mais fondamentalement, je ne pense pas le covid qui ait modifié profondément l’organisation du travail, en tout cas pas chez nous.
Je crois qu’il faut simplement laisser davantage de place et d’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle pour les collaborateurs.
Qu’attendez-vous prioritairement de vos managers aujourd’hui ?
J’attends de mes managers ont beaucoup plus grande proximité du fait que justement, les liens ont pu se distendre à un certain moment, bien que maintenant ça y est, le raccordement est fait.
La place du télétravail fait que plus personne ne vient 5 jours sur 5 au travail, fait que les moments d’échanges sont un petit peu plus rares donc il faut les privilégier.
Chaque manager ici a bien conscience que quand un collaborateur est là et qu’il est n’est pas là tous les jours, il faut que les moments où il est là soit bien utilisés pour bien échanger et communiquer avec lui. Il faut donner du sens encore plus qu’avant.
Je dirais que le phénomène post-covid mais qui est aggravé par le phénomène guerre d’Ukraine, fait que le plus impactant aujourd’hui dans nos vies et dans nos entreprises, c’est l’effet inflationniste.
Parce que cette inflation qui nous touche à titre privé, touche aussi nos clients car elle impacte nos produits.
Nous sommes dans une activité qui consomme beaucoup d’énergie, beaucoup de matières premières et beaucoup de main d’œuvre.
De surcroit, l’essentiel de cette valeur ajoutée provient d’un pays qui est l’Allemagne – encore plus impacté que les autres sur les coûts de l’énergie. Donc forcément ça a des répercussions.
Je crois que c’est ça qui est le plus sensible en ce moment parce que ça a indéniablement des conséquences sur le comportement des clients et des collaborateurs en tant que consommateurs.
Donc c’est notre rôle dans l’entreprise d’accompagner ces évolutions et ces besoins des collaborateurs, parce que ça génère un certain nombre d’inquiétudes même si je pense que c’est un phénomène transitoire.
Avez-vous un secret personnel de dirigeant à nous partager ?
J’ai un secret personnel, qui s’apparente à une confidence que je vais vous faire avec grand plaisir.
On a des mentors ou des modèles qui nous aident à la fois à réussir et à s’épanouir et d’atteindre un bonheur professionnel qui forcément, joue sur le bonheur personnel.
Moi aussi j’ai des mentors et des modèles. Et mon secret c’est que je ne les choisis ni mort, ni plus vieux que moi (rires).
Il faut beaucoup écouter les gens qui sont de milieux très différents des nôtres parce qu’ils peuvent être très inspirants.
Ayez des mentors et des modèles qui soient jeunes et bien vivants. Tournez-vous vers la jeunesse !
Si vous deviez partir demain, qu’aimeriez-vous que les personnes de votre organisation disent de vous ?
Un simple merci me ferait déjà extrêmement plaisir.
Qu’ils me disent que mon passage dans l’entreprise a été une source d’inspiration pour eux, qui les a aidés à grandir eux-mêmes, mais que maintenant c’est eux qui vont faire le job et qu’ils vont trouver justement des modèles et des mentors qui ne soient pas moi mais des gens, comme j’ai pu le faire moi-même, beaucoup plus inspirants, pour développer l’entreprise avec des méthodes du futur et pas seulement du passé.
Cette année nous fêtons les 100 ans de notre marque. Komet est né en 1923.
Et un des slogans, peut-être le plus marquant de ces 100 ans que j’ai vu ou entendu c’est que « Les 100 ans c’est juste 100 ans d’expérience pour que les 100 ans à venir soient encore beaucoup plus forts et beaucoup plus bénéfiques que les 100 ans passés ».