L’adieu aux armes
« Les leaders sont ceux qui donnent du pouvoir aux autres »
Bill Gates
Dans une période marquée par l’essor du télétravail et du développement personnel, une transformation profonde du management s’opère lentement mais sûrement.
L’époque du manager autoritaire, qui exige le respect par la force et la crainte, s’éloigne petit à petit pour céder la place à une vision plus éclairée et humaine.
Atteint par la limite d’âge à la fin juillet 1976, l’Amiral Joiré-Noulens a fait une visite d’adieu à l’École Navale et au Groupe-Ecole du Poulmic, le 29 juin 1976.
Après avoir passé en revue le personnel rassemblé sur le parvis, le Chef d’État-Major de la Marine a réuni les élèves-officiers en amphithéâtre et leur a livré dans les termes ci-après la synthèse de ses quarante et une années au service de la Royale :
« Votre grade, vos fonctions, vos connaissances, vont vous donner autorité sur des hommes. Cette autorité, vous avez non seulement le droit, mais le devoir de l’exercer. Mais n’oubliez jamais qu’en tant qu’hommes, ils vous valent.
Vous vous trouverez dans des circonstances où il s’agit de punir. Vous devez le faire, mais considérez le fait d’y être conduit comme un échec personnel.
Vous admirerez des chefs qui se sont aisément obéir et sont estimés de tous. Certains sont familiers et truculents, d’autres d’une froideur distante. N’imitez pas leur comportement : les subordonnés, même les plus humbles sentent la fausseté d’une attitude factice et y sont sensibles.
Ne faites pas retomber sur vos subordonnés une mauvaise humeur qu’ils n’ont pas provoquée. Vous avez droit à trois colères par an, dont deux simulées. Si vous savez déléguer à un personnel que vous avez bien formé, vous savez commander. Ne donnez jamais un ordre si vous n’avez pas à la fois la volonté et les moyens de le faire appliquer (le code de la route est le modèle de ce qu’il ne faut pas faire…). Ne laissez pas ignorer à un subordonné ce que vous pensez de ses actions : faires des observations, ou des compliments, quand il y a lieu.
Toutes les fois que c’est possible, expliquez à vos subordonnés les raisons de vos décisions : connaissant votre mécanisme de pensée, ils réagiront, si vous êtes empêché, comme vous l’auriez fait. L’indiscipline suprême consiste à exécuter un ordre sans avoir, au préalable, exposé à vos chefs, s’il n’y a pas d’urgence, les faits et les arguments qui, à vos avis, leur ont échappé. Si après vous avoir entendu, ils maintiennent leur ordre, vous devez, bien entendu, l’exécuter sans réticence.
Il est deux attitudes quant à la confiance à accorder à ses subordonnés : la leur donner a priori, quitte à la leur ôter s’ils ne s’en montrent pas dignes, ou bien attendre de les connaître pour la leur accorder. Cette dernière est mauvaise, car la défiance engendre la défiance et vous ne sortirez pas de ce cercle vicieux.
Quand vous avez laissé un temps raisonnable pour exécuter un ordre, n’acceptez jamais l’excuse : « Je n’ai pas eu le temps ! » C’est une insolence, car cela signifie qu’il a jugé plus intéressant d’employer son temps à d’autres tâches que celles que vous lui aviez ordonnée.
Si vous savez exécuter une tâche vite et bien, faites-la exécuter par un subordonné. Vous perdrez du temps au début, mais vous en gagnerez beaucoup par la suite. »