Petits Secrets de Dirigeants – Franck Personne, Président de MeltOne Advisory
Après trois années de crise du covid, nous avons aujourd’hui le recul nécessaire sur la façon dont les entreprises ont appréhendé ces bouleversements. Dans notre rubrique « 𝙋𝙚𝙩𝙞𝙩𝙨 𝙨𝙚𝙘𝙧𝙚𝙩𝙨 𝙙𝙚 𝙙𝙞𝙧𝙞𝙜𝙚𝙖𝙣𝙩𝙨 » nous recueillons le témoignage de différents dirigeants afin d’avoir leur retour d’expérience sur cette crise traversée.
Nous avons interviewé Franck Personne, Président de MeltOne Advisory.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Bonjour, je suis Franck Personne. Je suis président de la société MeltOne Advisory.
Mon parcours c’est 25 années d’expérience autour de la transformation des systèmes d’information de l’entreprise.
Et en 2014, avec deux associés, on a créé le cabinet MeltOne Advisory. C’est un cabinet de conseil et d’intégration de solutions à taille humaine.
Aujourd’hui, le cabinet sur Paris fait 150 consultants et on a trois filiales à l’international.
Les sujets que l’on traite sont plutôt des sujets de digitalisation autour de la DATA, de la planification de l’ERP et l’intégration de solutions digitales innovantes.
Quel regard portez-vous sur les 3 dernières années et quels sont les changements les plus importants que vous avez dû entreprendre ?
Alors moi je vais parler principalement au regard de notre secteur, où avant le covid, les sociétés de conseil envoyaient plutôt leurs consultants chez les clients, donc on était vraiment en physique. Et un petit peu avant 2020, lorsqu’ils étaient en distance, ils étaient plutôt dans les bureaux de la société de conseils pour prester pour des clients.
Donc on avait une petite évolution mais qui n’était pas majeure.
Pour le cas de MeltOne Advisory, avant le covid, on avait déjà mis en place le télétravail, et ça fonctionnait plutôt bien d’ailleurs.
Et finalement, avec la pandémie, on a intensifié le télétravail de façon obligatoire mais finalement ça s’est très bien passé.
Et le regard que je porte sur les défis auxquels on a été soumis, c’était principalement :
– Comment garder le lien avec nos employés. Donc on faisait beaucoup de réunions pour garder le contact, surtout beaucoup de travaux autour de la capitalisation lorsque certains projets étaient arrêtés et qu’il fallait faire travailler nos consultants sur autre chose pour pas qu’ils ne soient laissés sur le côté.
– Garder, fidéliser nos clients et protéger nos contrats. Donc on faisait aussi des points réguliers avec nos clients
Et de façon générale, ce que ça a transformé c’est plutôt l’accélération des réflexions autour des nouvelles formes d’organisation du travail.
C’est vraiment là où on a mis le poids du corps ensuite.
Quelle est votre plus grande satisfaction dans la conduite de votre entreprise ?
La plus grande source de satisfaction dans la gouvernance a finalement été le contrat de confiance que l’on a mis en place avec nos salariés.
MeltOne s’est créé autour d’une idée qui est l’entreprise horizontale, quelque chose qui a été pensé par Franck Ostroff, qui est un bouquin de management qui est assez intéressant.
L’idée étant de baisser les couches de management pour fluidifier les décisions mais aussi le dialogue vers un objectif commun.
Et je pense que ça nous a beaucoup aidé lors du Covid car les décisions ont été prises assez rapidement.
Et nous on a fait un pari complètement différent de l’ensemble des sociétés de notre secteur : on a plutôt refusé de prendre le PGE (Prêt Garanti par l’État), on a refusé le chômage partiel et on a plutôt fait un pari sur la formation, sur l’investissement sur les ressources, les futurs talents, on a continué à embaucher durant le Covid. Et l’idée c’était vraiment un pari sur la reprise.
L’objectif étant de bénéficier collectivement, c’est-à-dire le top management mais aussi les consultants, des effets collectifs de la reprise.
Quelles évolutions du corps social avez-vous constatées ?
Ce que l’on a constaté et qui est assez marquant c’est l’évolution des aspirations des personnes et des salariés qui ont changé, je pense que je n’invente rien sur cette partie-là (rires).
Mais la manière de voir sa place dans l’entreprise ou dans la société, par exemple la volonté d’aller en province, la volonté de l’équilibre vie pro et vie perso, se mettre en 3/2, 2/3, 4/1 en journées de télétravail, donc chacun a trouvé son rythme. L’abolition des temps de trajet, etc. ça ce sont des choses aujourd’hui qui parlent et qui ont fondamentalement changé la vision de nos employés par rapport à l’organisation du travail.
Après, il faut être clair, je pense que c’est une bonne évolution, que ça va dans le bon sens quelque part. Donc ça fait bouger les lignes et ça nous oblige.
Fondamentalement, nous ce qu’on a constaté c’est qu’il n’y a pas de problème de comportement ni de problème d’attitude avant, pendant ou après le covid.
Les salariés ont vraiment joué le jeu, j’ai senti des gens extrêmement responsabilisés pour s’en sortir politiquement.
Le seul bémol que l’on peut trouver de temps en temps c’est surtout sur les entretiens d’embauche où parfois on a des comportements qui sont un peu plus fantaisistes maintenant.
Mais globalement, dans le corps social de l’entreprise, j’ai trouvé que les gens étaient très responsabilisés et que c’était très positif.
Quels sont pour vous les 2/3 plus grands défis à relever pour votre entreprise ?
Ça a beaucoup évolué par rapport à la période du covid.
Donc les aspirations des gens, comme je vous le disais précédemment, elles ont quand même changé, et cela a apporté trois grands défis.
Le premier c’est sur les organisations, ce que l’on appelle chez nous les NFOT (les nouvelles formes d’organisation du travail).
Le sous-jacent de tout ça c’est comment garder nos ressources pour comprendre leurs aspirations, faire évoluer nos pratiques pour que l’on ait quand même un dialogue social qui soit intéressant dans l’entreprise.
Donc on a mis en place un certain nombre de choses qui étaient nouvelles donc qui n’étaient pas là avant. Donc l’accès aux congés solidaires, le work anywhere…
L’idée quand même c’est que l’on met ces nouvelles formes d’organisation de travail en place mais sans trop perturber aussi notre travail de fond qui est quand même de livrer des services aux clients.
Une chose est sûre, c’est que toutes ces nouvelles générations que l’on a actuellement font bouger les lignes et elles sont en train de poser un standard d’organisation qui est encore en train de se construire actuellement.
Le deuxième défi pour MeltOne ça a été croissance vs ADN. C’est-à-dire comment faire de la croissance, mais c’est sur que, comme nous on a une croissance assez forte, c’est de se dire : la croissance c’est vertueux, ça donne des opportunités aux salariés donc finalement tout le monde en profite. Mais au-delà de ça, on peut se poser la question : comment on va garder cette société à taille humaine ?
Ça c’est un enjeu car en parallèle il faut mettre en place un certain nombre de choses qui vont donner la valeur de notre société, c’est-à-dire tout ce qui est confiance, tout ce qui est entraide et excellence opérationnelle.
Et le troisième, fondamentalement ça pose un défi sur le développement personnel. Donc on a eu un écosystème qui a complètement changé dans l’organisation, à l’intérieur et à l’extérieur et finalement il faut aider les gens à l’accompagner donc dans le développement personnel. Donc la on ne parle plus de hard skills mais de softs kills.
Alors on avait commencé un petit peu avant le covid sur tout ce qui est méthodologie de co-développement. C’est-à-dire créer une communauté d’apprentissage pour perfectionner nos pratiques managériales qui s’appuie sur l’intelligence collective pour résoudre un certain nombre de problèmes.
J’ai envie de dire que la thématique du développement personnel par rapport à tous ces changements qui arrivent elle est clé aujourd’hui parce que ça change de façon assez forte actuellement.
Qu’attendez-vous prioritairement de vos managers aujourd’hui ?
Nos managers, dans une société de conseil, ils ont une place un peu particulière, parce que nous on est partis sur une entreprise très horizontale donc on a baissé les couches. Ça fait qu’ils se retrouvent au milieu du mille-feuilles. Donc ils sont une sorte de courroie de transmission.
Donc le rôle essentiel des managers et ce que l’on attend le plus d’eux aujourd’hui – ce sont des leaders aujourd’hui dans ces circonstances – c’est de garder bien sûr un lien de proximité malgré la distance, de déployer de l’empathie tout en indiquant une direction et avoir un sens du collectif. Donc on leur demande finalement énormément de choses.
Dans les sociétés de conseil ils ont généralement un triptyque qui est
– Le triptyque RH, donc ils vont devoir être au plus près des gens, travailler sur la carrière des consultants
– Le deuxième volet qui est le projet, c’est-à-dire délivrer des projets aux clients
– Et le troisième qui est le client, c’est-à-dire vendre des choses.
Donc eux ils ont vraiment un panel hyper important et qui s’est certainement accentué avec le covid et avec toutes ces nouvelles formes d’organisation du travail.
Auriez-vous un secret personnel qui vous aide dans la gouvernance de votre entreprise que vous seriez prêt à nous partager ?
Moi, la première chose en tant que dirigeant, c’est que même si je prends mes propres décisions par moi-même, j’aime bien écouter mes paires, donc faire participer à mes réflexions des gens qui ont déjà joué mon rôle.
Le pire c’est la solitude du manager ou du dirigeant, donc il ne faut jamais rester seul.
Et je demande parfois à nos consultants même les plus jeunes parce qu’ils ont certainement une vision plus actuelle, plus moderne, et souvent l’angle de vue et la perception n’est pas forcément la même.
Et la deuxième chose que j’essaye de faire – alors cela a été au fur et à mesure des années – c’est de ne pas prendre les problèmes de façon frontale à chaque fois. Je pense qu’il faut bien les prioriser. Il y a des angles de vue sur les problèmes avec des solutions, et j’ai appris au fur et à mesure des les prioriser pour mieux les aborder et me concentrer vraiment sur l’essentiel.
Donc ne pas se disperser ça c’est le deuxième secret.
Si vous deviez partir demain, qu’aimeriez-vous que les personnes de votre organisation disent de vous ?
Ce n’est pas facile d’y répondre mais il y a un point qui est important pour moi c’est la transmission des savoirs.
Nous sommes dans un métier, dans les sociétés de conseil et d’intégration, qui fait justement la part belle à la transmission des compétences. Quand on va chez un client, on transmet des choses à ce client qui les utilise et inversement, les consultants transmettent des choses aux autres consultants etc.
Et ça c’est quelque chose qui a toujours été au centre du projet MeltOne pour moi.
Donc j’aimerais surement qu’on me dise que j’ai fait en sorte de favoriser une société bienveillante, qui accompagne ses salariés dans leur carrière et dans leur montée en compétences.