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Télétravail : comment créer une culture d’entreprise à distance

Télétravail

Entretenir une culture à distance n’est pas plus compliqué que dans un bureau.

La culture d’une entreprise correspond aux valeurs portées par les individus qui la composent. Elle s’exprime dans le fonctionnement de l’organisation et dans l’ensemble des décisions prises au quotidien. Au-delà de tout projet, de toute hiérarchie et de tout lieu de travail, la culture est le liant qui rassemble les collaborateurs sous la même bannière.

Pour la professeure Frances Frei et la directrice du Concire Leadership Institute Anne Morriss : « La culture nous dit ce qu’il faut faire lorsque le P-DG n’est pas dans la pièce. » Lorsque les membres de l’entreprise travaillent à distance et que les salariés sont confrontés au quotidien à la prise de décision en autonomie, créer une culture semble être d’autant plus important. A l’heure où 29% des salariés français télétravaillent, il convient de s’interroger sur les rituels mis en place pour créer et entretenir une culture d’entreprise à distance.

Au départ considéré comme un avantage accordé afin de favoriser une meilleure qualité de vie, le télétravail devient de plus en plus une nécessité. Dans la baie de San Francisco, par exemple, le trafic est tel qu’il est courant pour certains employés de passer quatre heures dans les transports pour rejoindre leur lieu de travail. Ces trajets quotidiens correspondent à plus d’un mois de travail perdu à la fin de l’année. Les entreprises ont donc commencé à autoriser le travail à domicile le vendredi, puis le jeudi. En réalisant que cela n’avait pas d’impact négatif sur la performance de leurs salariés, bien au contraire, certaines ont même décidé de ne plus avoir de bureaux. Et lorsque le travail à distance ne fait pas partie des fondements de l’entreprise, c’est la pression du marché qui met un coup d’accélérateur à sa diffusion. Les entreprises n’ont plus le choix : préfèrent-elles se séparer d’un collaborateur qui veut aller vivre et travailler à l’autre bout du pays ou l’autoriser à travailler à distance si ses missions le permettent ? Si la réponse semble évidente, les transformations organisationnelles et culturelles qui en découlent le sont moins.

Au cours de la dernière décennie, des dizaines d’outils ont été développés afin de faciliter le travail à distance. La technologie permet aujourd’hui de collaborer efficacement depuis n’importe quel lieu. Le seul challenge restant, pour les entreprises qui adoptent le télétravail, consiste à créer et à entretenir une culture à distance.

S’appuyer sur des comportements de référence

Face à une situation nouvelle, difficile de savoir instinctivement comment se comporter pour être en accord avec la culture d’entreprise. Pour prendre la meilleure décision, l’idéal serait de s’appuyer sur une situation similaire ayant déjà eu lieu. Dans un bureau traditionnel, il suffirait de demander de l’aide à un collègue plus expérimenté. A distance, pour éviter de surcharger les messageries, certaines entreprises ont fait le choix de regrouper un maximum d’informations dans un document de référence qui fonctionne comme un recueil de jurisprudence.

L’éditeur de logiciel libre Gitlab, par exemple, emploie plus de 500 personnes dans plus d’une trentaine de pays. Depuis sa création, il n’a jamais disposé de bureaux. Le télétravail est l’un des fondements de l’entreprise. Ses fondateurs ont créé un document de 2500 pages accessible en ligne qui regroupe l’ensemble des processus mis en place, qu’il s’agisse du marketing, de la vente ou des politiques de rémunération, avec des exemples précis. Pour Barbie Brewer, ancienne Chief Culture Officer de Gitlab, la transparence est d’autant plus importante lorsque les salariés ne se côtoient pas au quotidien. Il faut qu’ils puissent s’appuyer sur ce « handbook » afin de prendre des décisions sans avoir à consulter leurs collègues. A force d’utiliser le document, les employés intègrent la culture de l’entreprise et s’y réfèrent alors de moins en moins.

Intégrer les nouveaux membres

La culture d’entreprise n’est jamais figée, elle évolue avec l’entreprise. A chaque recrutement, elle peut se retrouver renforcée ou dégradée en fonction des nouveaux comportements. Ainsi, il est essentiel de porter une attention particulière aux profils des candidats. Chez Comet, nous avons par exemple mis en place un processus dédié qui permet de vérifier l’adéquation entre les valeurs du candidat et les nôtres.

Dans la plupart des entreprises en remote, lorsqu’un nouveau membre rejoint l’équipe, un collègue se charge de l’intégrer durant les premières semaines. Il est son référent s’il a une question concernant l’organisation, la gestion des outils, ses objectifs… Toujours chez Gitlab, peu importe le poste auquel vous rejoignez l’entreprise, vous devez ajouter vous-même votre photo assortie d’une description sur le site de l’entreprise, afin de vous familiariser avec le produit. En outre, vous avez une dizaine de « coffee call » à passer avec des membres aléatoires de l’entreprise dans le but de découvrir les différents services et de prendre le pouls de la culture de l’entreprise. Ces moments permettent de se rendre compte que, même à l’autre bout du monde, sur un fuseau horaire différent, des collègues partagent les mêmes valeurs.

Organiser des temps forts

Pour les entreprises ayant totalement adopté le télétravail, la culture repose sur la construction de temps forts au cours desquels les membres peuvent se voir physiquement, soit tous ensemble, soit par petits groupes. Par ailleurs, ils échangent beaucoup en visioconférence afin d’éviter les silos et de maintenir des liens solides entre les équipes et entre les différents services.

Bien que l’entreprise ne dispose pas de bureaux, Gitlab encourage ses salariés à travailler ensemble en offrant les frais de déplacement de chez soi jusqu’au lieu de travail d’un collègue à hauteur de 150 euros par personne rejointe. Deux salariés, Douwe et Robert en ont profité pour rendre visite à 49 de leurs collègues dans 20 villes de 14 pays en six mois. Barbie Brewer, quant à elle, a décidé de se réunir avec ses collègues travaillant dans un rayon de 30 kilomètres au moins une fois par semaine.

De la même façon, Automattic compte près de 1000 employés mais n’a pas de bureaux. L’entreprise alloue à chaque salarié 250 dollars de budget par mois à dépenser dans un espace de coworking ou en consommations dans des cafés. L’absence de bureau pour se retrouver ne signe pas la fin des politiques de ressources humaines, bien au contraire. Chaque année, tous les salariés se rassemblent le temps d’une semaine pour le « Grand Meetup », un moment de retrouvailles et d’échanges pour rendre palpables les relations qui se sont créés au travers des écrans tout le reste de l’année. Au cours de cette semaine, des ateliers sont organisés pour réfléchir à l’organisation et la culture de l’entreprise (lire aussi l’article : « Comment le P-DG d’Automattic a constitué une équipe solide grâce aux essais »).

Adopter un management fondé sur la confiance

Entretenir une culture d’entreprise à distance suppose de faire évoluer le management traditionnel : le contrôle permanent des collaborateurs et les politiques de présentéisme ne peuvent fonctionner. Au contraire, les relations doivent être construites sur la base de la confiance et de l’autonomie. Ce sont les livrables et les objectifs atteints qui doivent être mesurés et non le nombre d’heures de connexion. C’est dans cette perspective que les fondateurs de Basecamp, éditeur d’un outil Web de gestion de projets, ont écrit « Remote : Office Not Required ». Ils recommandent de découper les missions en petites tâches, d’être le plus transparent possible avec ses salariés, de les responsabiliser en leur donnant toute l’autonomie nécessaire. Jason Fried et David Heinemeier Hansson prennent l’exemple des vacances : elles sont illimitées et il suffit d’en avertir ses collègues pour se coordonner, pas besoin de demander la « permission ».

Créer une culture à distance n’est pas plus compliqué que dans un bureau. Il s’agit de s’interroger sur ses valeurs, de définir les comportements à valoriser et de recruter des profils qui s’intègrent dans cette vision de l’entreprise. Ensuite, pour garantir la pérennité de cette culture à distance, il suffit de bien maîtriser les outils collaboratifs nécessaires, de mettre en place des temps forts réguliers et d’encourager les interactions entre les membres de l’entreprise. Enfin, il ne faut pas oublier que le travail à distance n’en est qu’à ses balbutiements et que nous sommes en pleine phase d’exploration.

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